Didier Franck Bationo, Doctorant à l’Université Jean Moulin Lyon III
Si originellement (1), le caractère peu coûteux de l’arbitrage était présenté comme un avantage comparatif, aujourd’hui, il n’est que rarement mis en avant (2). En effet, les coûts de l’arbitrage n’ont eu de cesse de se diversifier et d’augmenter (3) au point qu’il est de plus en plus considéré comme une justice de luxe (4) hors de portée pour certaines catégories d’acteurs (5). Sont généralement considérées dans ce sens les petites et moyennes entreprises (PME) ou encore les personnes réputées faibles telles que les consommateurs et les travailleurs (6).
Une autre catégorie d’acteurs tout aussi vulnérable est néanmoins très souvent absente du tableau. Il s’agit des États et plus généralement des personnes morales de droit public. Une présomption d’aptitudes dessert leur cause (7). Une entité publique, a fortiori un État, est supposée, peu importe le contexte, être en mesure de se défendre et de supporter les frais que pourrait occasionner une procédure arbitrale dans laquelle il est partie (8). Pour autant, il n’en est rien, en particulier en ce qui concerne les pays en développement (I) qui au contraire ont besoin d’un véritable accompagnement juridique en matière d’arbitrage d’investissement (II).
I. La situation des pays en développement dans la pratique arbitrale internationale
Les pays en développement jouent un rôle central dans la pratique arbitrale internationale en termes de présence numérique (A) et de charges financières supportées (B) (9).
A. Une forte présence numérique des pays en développement dans la pratique arbitrale internationale d’investissement
D’après la base de données de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sur les 1257 arbitrages fondés sur des traités internationaux, connus à ce jour, 61% ont impliqué des pays en développement (10). Les statistiques de l’année 2021 sont particulièrement éclairantes. Sur les 68 arbitrages fondés sur des traités internationaux, 48 ont été dirigés contre des pays en développement (11). C’est donc sans grande surprise que sur les dix États, ayant été le plus grand nombre de fois impliqué dans un arbitrage fondé sur un traité international au cours des dix dernières années, sept soient des pays en développement (12). Il s’agit en l’occurrence et par ordre décroissant de l’Égypte (31), du Venezuela (31), du Pérou (23), de la République Tchèque (22), du Mexique (20), de la Colombie (19) et enfin de la Libye (17). Ce qui n’est d’ailleurs pas près de s’estomper.
À l’inverse des pays en développement, la tendance chez les pays développés est au désaveu de l’arbitrage d’investissement (13). Ils privilégient dans les nouveaux accords économiques internationaux qu’ils concluent des mécanismes permanents de règlement des différends relatifs aux investissements étrangers (14). C’est le cas, par exemple, dans l’Accord économique et commercial global (AECG) conclu entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d'autre part (15). Son article 8.27 prévoit l’institution d’un tribunal permanent composé de 15 membres afin de statuer sur les plaintes déposées conformément à son article 8.23 (16).
Une désactivation progressive des offres publiques d’arbitrages auxquels les pays développés sont partis se constate également (17). C’est le cas par exemple de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) (18) qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) (19). Il ne prévoit le recours à l’arbitrage international que pour les différends en matière d’investissement entre le Mexique et les États-Unis (20).
Il y a aussi la récente réforme du Traité sur la charte de l’énergie (TCE) qui désactive l’offre publique d’arbitrage dans les rapports mutuels entre États membres d’une organisation régionale d'intégration économique (21). L’Union européenne (UE) est principalement visée au regard de l’identité des États parties au TCE, mais aussi en contemplation de l’arrêt de la CJUE rendu dans l’affaire Komstroy (22). D’ailleurs, un certain nombre d’États membres de l’UE ont annoncé ou acté leur retrait du TCE et un projet d’accord a récemment été proposé par la Commission de l’UE afin de neutraliser les effets de la clause d’extinction de 20 ans contenue dans le TCE (23). Sans oublier l’important accord portant extinction des TBI entre États membres de l’UE (24) adoptés à la suite de l’arrêt de la CJUE rendu dans l’affaire Achmea (25).
Par ailleurs, les investisseurs étrangers sont de plus en plus incités à engager des procédures arbitrales du fait du mécanisme de financement par des tiers (26). On peut citer dans ce sens un extrait de la sentence CIRDI rendue dans l’affaire Hope c. République du Cameroun. Le demandeur a soumis une pièce dans laquelle il était retranscrit les propos suivants :
« Comme je te l’ai indiqué en toute loyauté à ton hôtel, le dossier Hope est un actif qui intéresse plusieurs fonds financiers spécialisés en litiges. Je viens te confirmer que les négociations avancent bien (…) il reste des points à régler sur la portion congrue (part variable marginale) qui me reviendra en fin de processus ; car les opérateurs souhaitent me conserver comme personne-ressource dans le cadre de la procédure qui va être intentée contre l’État du Cameroun devant le CIRDI sur la base de la Convention de Washington » (27).
Enfin, bien que le nombre de décisions favorables aux États défendeurs soit supérieur à celui des décisions favorables aux investisseurs étrangers (327 contre 249) (28), selon une étude empirique menée en 2014 sur un échantillon de sentences rendues entre 1972 et 2010, les pays en développement gagneraient en moyenne 50% de leurs affaires contre 69% pour les pays développés (29). À titre illustratif, sur la période 1972-2017, alors que la moyenne générale des sentences CIRDI rendues en faveur des États hôtes était de 52%, les pays africains se sont vus condamnés dans 56% des procédures CIRDI engagées à leur encontre (30). Ce qui explique la forte charge financière que ces derniers et de façon plus générale les pays en développement supportent dans la pratique arbitrale internationale.
B. Une forte charge financière supportée par les pays en développement en matière d’arbitrage d’investissement
Les frais de défense des pays en développement se situent fréquemment en deçà de la moyenne générale à savoir 4,7 millions de dollars US (2,6 millions en médiane) (31) et même loin derrière les frais classiquement engagés par les pays développés pour leur défense. Cependant, à l’image de ces derniers, ils ne se voient que très rarement rembourser leurs frais de représentation lorsque la sentence est prononcée en leur faveur (32). Pour rappel, les règles de répartition des coûts sont les suivantes (33). Au niveau du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investisseurs (CIRDI), les arbitres jouissent d’un pouvoir discrétionnaire (34). Au niveau du Règlement d’arbitrage CNUDCI, le principe est celui du « costs follow the events » avec toutefois une marge de manœuvre résiduelle reconnue aux arbitres (35).
Plus spécifiquement, les pays en développement sont confrontés à trois types de challenges. Tout d’abord, en amont de la procédure arbitrale, ils font face au manque qualitatif et/ou quantitatif de ressources humaines internes pour une prise en charge efficiente de leur défense légale (36). En outre, ils ne peuvent pas s’opposer à la tenue de la procédure arbitrale en invoquant des difficultés financières pour prendre en charge les coûts y afférant. En effet, dans nombre de droits positifs, l’impécuniosité n’est pas une cause d’inapplicabilité ou d’invalidité des conventions d’arbitrage 37).
Ensuite, au cours de la procédure arbitrale, ils font face aux coûts afférant à la prise en charge de leurs témoins et à la commande d’expertises.
Enfin, en aval de la procédure arbitrale, notamment lorsqu’ils ont été condamnés au paiement de sommes d’argent, les pays en développement sont souvent amenés à supporter des coûts supplémentaires. Par exemple, lorsque les sanctions pécuniaires ont été prononcées dans une monnaie autre que la leur, des frais liés à l’achat de devises étrangères seront ainsi occasionnés. C’est également le cas lorsqu’un contentieux lié à l’exécution forcée de la sentence arbitrale a lieu.
Cet état de fait appelle donc une réflexion des différents acteurs de l’arbitrage d’investissement, car il y va de la légitimité de ce mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États hôtes.
II. L’accompagnement des pays en développement
Dans le cadre du groupe de travail III de la CNUDCI (38), la question de la durée et du coût des procédures arbitrales a été retenue au titre des questions procédurales en matière de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) nécessitant des réformes (39). À ce sujet, il est ressorti des consultations et recherches menées dans ce sens qu’il existerait des liens entre durée et coût des procédures arbitrales (40). Il a en outre été relevé qu’au-delà de leur corrélation, les durées excessives et les coûts exorbitants des procédures arbitrales internationales étaient fort dommageables pour les États défendeurs, en particulier les pays en développement, ainsi que les PME (41). Les coûts élevés des procédures arbitrales feraient courir à ces deux catégories d’acteurs un risque de déni de justice économique (42).
C’est ainsi qu’il a été, entre autres, suggéré qu’un centre consultatif en matière d’investissement soit créé afin d’assurer à tous les acteurs un égal accès à l’arbitrage international (43).
A. La proposition de création d’un centre consultatif en matière d’investissement
L’idée de création d’un centre consultatif en matière d’investissement n’est pas nouvelle (44). Deux projets de création d’un centre consultatif sur le droit international des investissements ont par exemple été portés par des pays d’Amérique du Sud et d’Océanie. Il s’agit en premier lieu du projet commun de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), la Banque internationale de développement (BID) et l’Organisation des États américains (OEA) de 2006 qui a finalement avorté en dépit de son état d’avancement. Il s’agit ensuite du projet de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR) de 2008 qui lui aussi est resté lettre morte. En outre, dans le cadre d’un forum organisé en 2012 entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la possibilité de créer un centre consultatif régional en matière d’investissement avait été évoquée. Mais depuis lors, aucune communication publique n’a été faite dans ce sens.
Le projet d’actualité est celui entrepris par le groupe de travail III de la CNUDCI. Au cours de sa trente-huitième session, il s’est en effet déclaré favorable à l’idée de création d’un centre consultatif en matière d’investissement afin de contribuer à une meilleure transparence du système de RDIE (45). À partir des résultats de l’enquête préliminaire qu’il a commanditée à cet effet (46) ainsi que des différentes études menées à ce sujet (47), un projet de texte portant création d’un centre consultatif sur le droit international des investissements (48) lui a été soumis à sa quarante-deuxième session par le secrétariat de la CNUDCI pour examen (49). Sans résumer à l’excès, le projet de texte contient les propositions suivantes (11 au total) :
Pour ce qui est des services à proposer : le projet de disposition 5 propose une structure interne à deux piliers : d’une part, un mécanisme d’assistance et de représentation dans les procédures de règlement de différends ayant trait à des investissements internationaux, et, d’autre part, un forum permettant l’échange d’informations et de considérations de politique générale sur la prévention et la gestion des différends en matière d’investissement.
Pour ce qui est des bénéficiaires : le projet de disposition 9 propose que les services d’assistance et de représentation soient limités à une catégorie de personnes en l’occurrence les pays en développement et/ou les pays les moins avancés et dans une certaine mesure aux PME.
L’architecture institutionnelle ainsi proposée est largement inspirée de celle du centre consultatif sur la législation de l’organisation mondiale du commerce (OMC) (50). Pour rappel, ce centre qui a été créé sous les auspices de l’OMC offre les services suivants : donner des avis juridiques sur la législation de l’OMC ; fournir une aide dans les procédures de règlement des différends de l’OMC ; former des fonctionnaires (51). Toutefois, des réserves pourraient être émises quant à la pertinence d’un tel choix.
B. Analyse critique de l’étude préliminaire relative à la création d’un centre consultatif en matière d’investissement
Le projet de texte portant création d’un centre consultatif sur le droit international des investissements (ci-après le centre consultatif) a fait l’objet d’une attention particulière du groupe de travail III lors de sa quarante-troisième session (52). De nombreuses propositions ont suscité des réserves de sa part. C’est ainsi que le Secrétariat de la CNUDCI a été prié de procéder à une révision du projet de texte à la lumière des différentes réserves émises.
En ce qui concerne les offres de services proposées dans le projet de texte, les réserves ont porté sur les risques de chevauchements avec les missions déjà assurées par d’autres institutions ; les éventuelles contraintes financières et aussi la charge de responsabilité que pourraient impliquer certaines missions telle que l’émission d’un avis sur la politique générale d’un État (53). Dès lors, de notre avis, il serait opportun de limiter les services à offrir par le centre consultatif à l’assistance juridique.
De même, le centre consultatif pourrait se positionner comme le principal amicus curiae en matière d’arbitrage d’investissement (54) et participer en conséquence au développement du droit international des investissements.
Cependant, il faudrait que certaines questions de procédure soient prises en compte en amont de la création du centre consultatif. Il s’agit en l’occurrence des conflits d’intérêts. En effet, de nombreux arbitres en matière d’arbitrage d’investissement sont issus du monde académique (55). L’équipe du centre pourrait également comporter en son sein des personnes issues du monde académique ou ayant collaboré à des projets de recherches ou de séminaires universitaires. Les investisseurs pourraient en tirer des motifs de récusation dans certaines situations.
Quant à l’architecture institutionnelle du centre consultatif, elle pourrait, à la vérité, être inspirée d’une institution autre que le centre consultatif sur la législation de l’OMC. Il s’agit de la Facilité africaine de soutien juridique (ci-après la Facilité africaine) (56). C’est une institution créée en 2008 sous les auspices de la Banque africaine de développement (BAD) mais indépendante juridiquement de celle-ci (57). Elle a pour mission d’accompagner juridiquement les États africains dans leurs opérations économiques internationales et le cas échéant dans les contentieux judiciaires ou arbitraux relatifs à ces opérations.
Ainsi, lorsqu’un État africain ayant bénéficié de ses services de conseils juridiques dans le cadre de la réalisation d’une opération économique donnée fait l’objet d’une procédure d’arbitrage au sujet de cette opération, cet État peut saisir la Facilité africaine d’une requête de soutien juridique. Si cette requête reçoit l’agrément des services compétents, un accord d’engagement est signé entre la Facilité africaine et l’État requérant et un cabinet d’avocat notamment parmi ceux appartenant à ses Panels A (cabinets internationaux) ou B (cabinets africains) est choisi conformément au Procurement manual de la Facilité africaine pour assurer la défense juridique de l’État requérant. Il s’ensuit alors la signature de deux contrats.
D’un côté, une lettre de mandat est signée entre la Facilité africaine et le cabinet d’avocats sélectionné. Dans cette lettre, la durée de la mission du cabinet et les modalités de paiement de ses honoraires sont définies (58). D’un autre côté, une lettre d’engagement est signée entre l’État requérant et le cabinet d’avocat sélectionné afin de définir les contours et les modalités de l’intervention de ce dernier.
La République de Guinée (Conakry) a ainsi pu bénéficier de l’accompagnement juridique de la Facilité africaine dans le cadre de la procédure d’arbitrage CIRDI engagée contre elle par la société minière BSG Ressource Limited. Une procédure qui s’est soldée par une sentence en faveur de la Guinée (59).
Une architecture institutionnelle du type de celle de la Facilité africaine impliquera néanmoins la mobilisation d’importantes ressources financières. En effet, les frais d’avocats dans le cadre d’une procédure arbitrale s’élèvent en moyenne à trois millions de dollars EU (60).
Cependant, le centre consultatif pourrait être constitué sous l’égide de la Banque mondiale et bénéficier des infrastructures et des ressources financières de celle-ci. Le CIRDI constitue le premier forum mondial en termes d’administration de procédures arbitrales d’investissement (61). Comme il a été précédemment relevé, la tendance au niveau des pays développés est au recours à des mécanismes permanents d’arbitrage pour le RDIE. Par conséquent, afin d’accompagner les pays en développement dans leur choix de toujours recourir à l’arbitrage international notamment CIRDI, il va sans dire que la Banque mondiale pourrait consentir l’apport financier nécessaire au fonctionnement du centre consultatif.
La Cour permanente d’arbitrage (CPA) en tant que deuxième forum mondial en matière d’administration de procédures arbitrales d’investissement (62), pourrait également affecter son fonds spécial au centre consultatif (63).
En outre, des modes de financement innovants pourraient être mis en place. Une taxe spéciale sur les opérations d’investissements pourrait être instaurée par les pays en développement membres du centre consultatif. Les investisseurs étrangers pourraient y voir la garantie d’une disposition des États hôtes à participer à d’éventuelles procédures arbitrales en cas de différends.
Par ailleurs, les formes d’accompagnement juridique pourraient être différenciées selon le niveau de revenu du pays requérant (64). Ainsi, selon la classification des Nations unies (65), les pays à très faible revenu pourraient bénéficier d’un accompagnement juridique sous forme de dons - total ou partiel -. Les pays aux revenus moyens inférieurs pourraient quant à eux bénéficier d’un accompagnement juridique sous forme de prêts.
Aussi, avec l’évolution de la pratique arbitrale internationale à son sujet ainsi que l’insertion dans de nombreux traités d’investissement récents d’obligations à la charge des investisseurs étrangers, les États hôtes pourraient de plus en plus faire des demandes reconventionnelles dans le cadre de procédures arbitrales d’investissement intentées à leur encontre (66). Par conséquent, un accompagnement juridique sous forme de prêts pourrait être proposé par le centre consultatif, sans considération du niveau de revenu du pays requérant.
Conclusion
L’arbitrage d’investissement se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. L’exclusion de l’annexe sur les règles et procédures relatives au règlement des différends en vertu du protocole sur l'investissement de l'Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est un exemple de la réticence grandissante des États, notamment ceux en développement vis-à-vis de l’arbitrage (67).
Des réformes sont inévitables si l’on veut maintenir l’arbitrage comme mécanisme opérant pour le RDIE. Pour ce qui est spécialement des coûts de l’arbitrage, des initiatives ne font pas défaut. D’un côté, les principales institutions d’arbitrage sont sensibles aux coûts des procédures arbitrales qu’elles administrent. Le CIRDI a, par exemple à l’occasion de la révision en 2022 de ses règles applicables à l’arbitrage, introduit de nombreuses innovations sous-tendues par des considérations tenant aux coûts de procédure. C’est le cas notamment de la conférence sur la gestion des instances et l’arbitrage accéléré. D’un autre côté, les États au travers du groupe de travail III de la CNUDCI, ont pris la pleine mesure de la question des coûts de l’arbitrage en proposant la création d’un centre consultatif.
L’idée de création d’un centre consultatif prise en soi ne souffre d’aucune pertinence. Cependant, pour sa réalisation, plusieurs options sont à sa portée. La présente étude a eu pour objet, à la suite des propositions faites au sujet de l’architecture institutionnelle du centre consultatif à créer, de plaider pour un modèle inspiré de celle de la Facilité africaine. Quant aux missions à confier au centre consultatif, deux propositions ont été faites afin de lui assurer une grande efficacité. D’une part, un rôle pro actif d’amicus curiae. Et d’autre part, un rôle d’accompagnement juridique. Au sujet de cette deuxième mission, eu égard à la charge de travail que peut impliquer la défense juridique d’un État dans une procédure d’arbitrage (68), l’architecture institutionnelle proposée permettra de l’adresser de façon adéquate.
(1) R. David, L’arbitrage commercial international, Paris, Economica, 1982, p. 8.
(2) Ch. Seraglini et J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, 2019, p. 21.
(3) C. Duclerq, « Les nouveaux coûts dans l’arbitrage international », in Cah. arb. 2013, p. 899.
(4) B. Hanotiau, « Mieux maitriser le temps et réduire les coûts dans l’arbitrage international », in Mélanges en l’honneur de Guy Keutgen, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 377.
(5) J. Clavel, Le déni de justice économique dans l’arbitrage international. L’effet négatif du principe compétence- compétence, thèse de l’université Paris II, sous la direction de G. Khairallah, 2011, 666 p.
(6) Ch. Seraglini, « Les parties faibles face à l’arbitrage international : à la recherche de l’équilibre », in Cah. arb, 2008, pp. 49 ss ; Klaus Sachs, « La protection de la partie faible en arbitrage », in Cah. arb, 2008, pp. 72 ss.
(7) Il en est de même du professionnel. Voir dans ce sens J.-B. Racine, « La protection du professionnel contractant en matière internationale », in Mélanges en l’honneur de J.-M. Jacquet, Paris, LexisNexis, 2013, pp. 255 ss.
(8) Voir dans ce sens B. Rémy, « Les obstacles financiers à l’action des États dans les procédures Etat- Investisseur », in La Protection des investissements étrangers : vers une réaffirmation de l’Etat, Paris, Pedone, 2018, pp. 147 ss.
(9) Les pays en développement jouent également un important rôle dans le développement de la jurisprudence arbitrale d’investissement. En ce qui concerne particulièrement les pays africains Voir A.D. Akinkugbe, « Reverse Contributors ? African State Parties, ICSID and the Development of International Investment Law », in ICSID Review - Foreign Investment Law Journal 2019, Vol. 34, Issue 2, pp. 434–454. Adde W.B. Hamida, J.- B. Harelimana et A. Ngwanza, Un demi-siècle africain au CIRDI. Regards rétrospectifs et prospectifs, Paris, LGDJ, 2019.
(10) UNCTAD Investment Dispute Navigator, Known treaty-based ISDS cases disponible à l’adresse suivante https://investmentpolicy.unctad.org/investment-dispute-settlement/advanced.
(11) UNCTAD, « Investor–State Dispute Settlement Cases : Facts and Figures 2021 », IIA Issue note, Issue 1, July 2022, p. 2.
(12) Ibid, p. 3.
(13) M.-L. Marceddu, P. Ortolani, « What Is Wrong with Investment Arbitration ? Evidence from a Set of Behavioural Experiments », in European Journal of International Law, Issue 2 2020, pp. 405–428 ; Commission européenne, « L’investissement dans le TTIP et au-delà – La voie de la réforme », mai 2015, 13 p ; L. Poulsen, J. Bonnitcha and J. Yackee, « Transatlantic Investment Treaty Protection », in Centre for European Policy Studies, Special Reports, No. 102, 2015.
(14) A. De Nanteuil, « Les mécanismes permanents de règlement des différends, une alternative crédible à l’arbitrage d’investissement ? », in JDI 2017, pp. 55-80 ; W. S. Dodge, « Investor-State Dispute Settlement between Developed Countries : Reflection on the Australia-United States Free Trade Agreement », in Vanderbilt Journal of Transnational Law vol. 1, 2006, p. 39.
(15) A.H. Prince, « Contribution de l’Accord économique et commercial entre le Canada et l’Union européenne (AECG) au débat sur la contestation de l’arbitrage investisseur État », in Lex electronica, 2015, 37 p.
(16) On retrouve la même approche au niveau du chapitre 14 de l’Accord de libre-échange entre l’UE et Singapour.
(17) M. Fekl « Les contestations de l’arbitrage d’investissement et les négociations commerciales contemporaines », in Les Cahiers de l’arbitrage - Paris Journal of International Arbitration, 2018, n° 3, pp. 413-435 ; J. Cazala, « La défiance étatique à l’égard de l’arbitrage investisseur-État dans quelques projets et instruments conventionnels récents », in JDI 2017, pp. 81-98.
(18) Accord Canada‒États-Unis‒Mexique, 30 novembre 2018, (entrée en vigueur le 1 er juillet 2020).
(19) Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique, 17 décembre 1992, (entrée en vigueur le 1 er janvier 1994).
(20) Annexe 14-D de l’ACEUM. Pour des commentaires Voir J. Brosseau et A. Bjorklund, « Accord commercial entre le Canada et l’UE : résolution des différends par arbitrage ou règlement judiciaire ? », in Revue québécoise de Droit international 2018, 33 p et J. Cazala, « La réforme de l’arbitrage d’investissement dans l’Accord Canada-États-Unis Mexique devant se substituer à l’Accord de libre-échange nord-américain », in Les Cahiers de l’arbitrage - Paris Journal of International Arbitration, 2019, pp. 782-790.
(21) Secrétariat du Traité sur la charte de l’énergie, « Finalisation des négociations sur la modernisation du Traité sur la charte de l'énergie » Bruxelles, le 24 juin 2022, pt. 6. Disponible à l’adresse suivante https://www.energychartertreaty.org/fr/modernisation-du-traite/. Pour un commentaire Voir M.-J. Alarcon, « ECT Reform: The Final Countdown », in Kluwer Arbitration Blog, August 3, 2022.
(22) CJUE, 2 sept. 2021, aff. C‑741/19, Republique de Moldavie c. Komstroy LLC, JDI 2022, comm. 7, p. 222 ; Europe 2021, comm. 409, J. Tribout ; JCP E 2021, 1473, note S. Manciaux ; JCP G 2021, 1066, obs. M. Barba et C. Nourissat.
(23) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52022DC0523&from=EN.
(24) Accord conclu le 5 mai 2020 par 23 États membres de l’UE. Voir dans ce sens C. Collin, « Épilogue de l’affaire Achmea : l’extinction des traités d’investissement intra-UE », in Dalloz Actualité, 21 juillet 2020.
(25) CJUE, 6 mars 2018, aff. C-284/16, République de Slovaquie c. Achmea BV, Rev arb 2018, p. 424, note S. Lemaire ; JDI 2018, comm. 14, p. 903, note Y. Nouvel ; JDI 2019, chron. 1, p. 271, obs. B. Rémy ; RTDF 2018, n° 2/3, p. 28, note M. Audit ; Procédures 2018 comm. 143, obs. C. Nourissat ; Rev. crit. DIP 2018, p. 616, note E. Gaillard ; RTD eur. 2018, p. 597, étude J. Cazala ; D. 2018, p. 2005, note V. Korom ; D. 2018, p. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; D. 2018, p. 2448, obs. T. Clay.
(26) H. Gharavi, « Le financement par un tiers », in W. Ben Hamida et Th. Clay, L’argent dans l’arbitrage, Paris, Lextenso, 2013 ; C. Kessedjan (dir. publ), Le financement du procès par tiers – Third party litigation Funding, Ed Panthéon-Assas, 2012.
(27) Hope Services LLC c. République du Cameroun, ICSID Case No. ARB/20/2, Sentence, 23 Déc. 2021, § 139.
(28) https://investmentpolicy.unctad.org/investment-dispute-settlement.
(29) Th. Schultz and C. Dupont, « Investment Arbitration : Promoting the Rule of Law or Over- Empowering Investors ? A Quantitative Empirical Study », in European Journal of International Law 2014, p. 1167. Voir aussi G. Ruiz Díaz, « Who Wins in International Investment Arbitration Disputes ? Evidence from Latin American and Caribbean Countries Cases Under ICSID », in International Economic Law eJournal, 2020. Comp. A. Strezhnev, « Why Rich Countries Win Investment Disputes : Taking Selection Seriously », Manuscrit, 2017.
(30) P.-J. Le Cannu, « Foundation and Innovation: The Participation of African States in the ICSID Dispute Resolution System », in ICSID Review - Foreign Investment Law Journal 2018, Vol. 33, Issue 2, p. 487.
(31) M. Hodgson, Y. Kryvoi and D. Hrcka, Empirical Study : Costs, Damages and Duration in Investor-State Arbitration, London, Allen & Overy and BIICL, 2021, p. 11.
(32) Ibid, p. 18.
(33) N. Rubins, « The Allocation of Costs and Attorney’s Fees in Investor-State Arbitration », in ICSID Review- Foreign Investment Law Journal, Vol. 18, 2003, pp. 109–129.
(34) Voir dans ce sens l’article 61 (2) de la Convention CIRDI et l’article 58 du Règlement du Mécanisme additionnel de règlement des différends. Adde M. Raux, « La charge des coûts de l’arbitrage dans la jurisprudence du CIRDI », in Cah. arb, 2008, pp. 408 ss.
(35) Voir dans ce sens l’article 40. 1-2 du Règlement d’arbitrage CNUDCI 1976 et l’article 42 du Règlement d’arbitrage CNUDCI 2010.
(36) J. Sharpe, « The Agent’s Indispensable Role in International Investment Arbitration », in ICSID Review- Foreign Investment Law Journal 2018, pp. 686-719.
(37) C’est particulièrement le cas en droit français. Voir dans ce sens CA Paris, 17 nov. 2011 LP c. Pirelli, Rev arb 2012, p.267, note F.-X. Train ; CA Paris, 26 févr. 2013, Rev arb 2013, p. 746 (2 e esp.), note F.-X. Train, JCP G 2013, 784, n° 4, obs. Ch. Seraglini, Cah. arb. 2013, p. 479 (2 e esp.), note A. Pinna ; Cass. 1 ère civ., 13 juill. 2016, JCP G 2016, 1002, note M. de Fontmichel, Procédures 2016, comm. 289, L. Weiller, Rev arb 2016, p. 859, note M. Boucaron-Nardetto. Comp. D. Kühner, « The impact of party impecuniosity on arbitration agreements: the example of France and Germany », in Journal of international arbitration 2014, vol. 31, issue 6, p. 807.
(38) Pour l’historique, voir Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-douzième session, Supplément n° 17 (A/72/17), §§ 236-265.
(39) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa trente-sixième session (Vienne, 29 octobre-2 novembre 2018), Doc. A/CN.9/964, §§ 109-133.
(40) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa trente-quatrième session (Vienne, 27 novembre 1er décembre 2017), Doc. A/CN.9/930/Rev.1, § 38.
(41) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa trente-quatrième session, op. cit.,§§ 39-42.
(42) Voir dans ce sens J. Clavel, Le déni de justice économique dans l’arbitrage international. L’effet négatif du principe compétence-compétence, op. cit.
(43) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa trente-huitième session (Vienne, 14-18 octobre 2019), Doc. A/CN.9/1004, §§ 28-50 ; A. Nan, « ISDS Denies Equal Access », The Hill, 9 June 2015.
(44) E. Gottwald, « Leveling the playing field : Is it time for a legal assistance center for developing nations in investment treaty arbitration ? », in American University International Law Review, 2007, pp. 238-275 ; A. Joubin-Bret, « Establishing an International Advisory Centre on Investment Disputes ? », E15Initiative. Geneva, International Centre for Trade and Sustainable Development and World Economic Forum, 2015.
(45) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa trente-huitième session, op. cit., § 28.
(46) Questionnaire on the establishment of an advisory centre on investor-State dispute settlement (ISDS), disponible à l’adresse suivante https://uncitral.un.org/en/multilateraladvisorycentre.
(47) L. Johnson and B. Guven, « Securing adequate legal defense in proceedings under international investment agreements - A Scoping study », Columbia Center on Sustainable Investment, 11 November 2019 ; N. Angelet, N. Kamau, B. Rémy, K.P. Sauvant, C.-J. Valerrama and D. Wallace, « Note on the Costs and Financing of an Advisory Centre on International Investment Law », in International Law Institute, 2020.
(48) Secrétariat de la CNUDCI, Éventuelle réforme du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) - Centre consultatif, Doc. A/CN.9/WG.III/WP.212 and Add. 1.
(49) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa trente-neuvième session (14-18 novembre 2022, Vienne), Doc. A/CN.9/1092.
(50) J. Sharpe, « An international investment advisory center : Beyond the WTO model », in European Journal of International Law : Talk, July 26, 2019 ; R.W. Schwieder, « Legal Aid and Investment Treaty Disputes: Lessons Learned from the Advisory Centre on WTO Law and Investment Experiences », in Journal of World Investment & Trade 2018, vol. 19, pp. 628–666.
(51) F. Pièrola-Castro, N. Meagher and L. Buencamino, « The Advisory Centre on WTO Law (ACWL) : 20 years of service to developing and least developed countries », in Latin American Journal of Trade Policy, vol. 10, 2021, pp. 100–114 ; G.C. Shaffer, « Assessing the Advisory Centre on WTO Law from a broader governance perspective », in Minnesota Legal Studies Research Paper 2011, pp. 11-46.
(52) CNUDCI, Rapport du Groupe de travail III sur les travaux de sa quarante-troisième session (Vienne, 5-16 septembre 2022, Doc. A/CN.9/1124.
(53) Ibid., pp. 10-11.
(54) G. Born and Stephanie Forrest, « Amicus Curiae Participation in Investment Arbitration », in ICSID Review -Foreign Investment Law Journal, Vol. 34, 2019, pp. 626–665.
(55) O.K. Fauchald, « The Legal Reasoning of ICSID Tribunals - An Empirical Analysis », in European Journal of International Law 2008, p. 352.
(56) Agreement for the Establishment of the African Legal Support Facility. Disponible à l’adresse suivante
(58) La rémunération est assurée grâce au fonds mis à sa disposition par ses partenaires dont principalement la BAD. Voir dans ce sens N. Angelet, « Financing investor-State dispute settlement: is there a role for the African Development Bank ? », in ICCA Congress Series, n° 19, pp. 546-555.
(59) La Facilité africaine, Media, Echos du terrain, disponible à l’adresse suivante https://www.alsf.int/echo-du- terrain/victoire-historique-de-la-republique-de-guinee-dans-un-arbitrage-dinvestissement-portant-surplusieurs-milliards-de-dollars-illustration-du-role-crucial-de-la-facilite-africaine-de-soutien-juridique-alsf-dans-
lassistance-juri.
(60) M. Hodgson, Y. Kryvoi and D. Hrcka, Empirical Study : Costs, Damages and Duration in Investor-State Arbitration, op. cit.
(61) UNCTAD Investment Dispute Navigator, Arbitral rules and administering institution.
(62) Ibid.
(63) Voir dans ce sens T. Di Giacomo Toledo and J.R. Nato, « Financial Assistance Fund for Settlement of International Disputes : Permanent Court of Arbitration (PCA) », in Oxford University Press, 2021.
(64) C’est le cas par exemple au niveau de la Facilité africaine. La classification utilisée étant celle établie par la BAD.
(65) https://www.un.org/en/development/desa/policy/wesp/wesp_current/2014wesp_country_classification.pdf.
(66) Voir dans ce sens F. Latty, « L’Etat demandeur (reconventionnel) dans les procédures arbitrales : Le Gymkhana de la réaffirmation de l’Etat », in La Protection des investissements étrangers : vers une réaffirmation de l’Etat, Paris, op. cit., pp. 161 ss et L. Boisson De Chazournes, « Changes in the Balance of Rights and Obligations: Towards Investor Responsabilization », Ibid., pp. 83 ss.
(67) En effet, l’annexe prévoyait le recours à l’arbitrage comme mode de RDIE. Voir dans ce sens
(68) Comp. N. Angelet, N. Kamau, B. Remy, K.P. Sauvant, C.-J. Valerrama and D. Wallace, « Note on the Costs and Financing of an Advisory Centre on International Investment Law », op. cit, pp. 8-13.